La valeur de la crypto-monnaie a dépassé les 10.000 dollars l'unité. Gare à l'éclatement de la bulle !
Un cap symbolique est franchi. La valeur de la crypto-monnaie que l'on appelle le bitcoin a dépassé les 10.000 dollars l'unité. Gare à l'éclatement de la bulle ! Car cette hyper-spéculation est dans le collimateur des autorités monétaires. Voici ce qu'il faut savoir sur cet argent virtuel.
1Folie
La crypto-monnaie la plus répandue du monde, le bitcoin, atteint ces jours-ci des sommets historiques : plus de 9.900 dollars, lundi 27 novembre, selon la plateforme Coindesk. Et elle a dans la foulée enfoncé le seuil symbolique des 10.000 dollars. Si bien que sa capitalisation boursière totale dépasse à présent 170 milliards de dollars. Une ascension fulgurante de plus de plus de 1000% depuis janvier !
Pour Marc Fiorentino, du site de conseil indépendant Monfinancier.com,
"Le bitcoin est un phénomène important, qui fait désormais partie du paysage. Mais c'est un objet très spéculatif, complètement déconnecté de tous les fondamentaux économiques. Donc personne ne sait combien il vaut !"
C'est qu'à force de monter, cette crypto-monnaie est devenue une classe d’actif à part entière. Les analystes qui parient sur la hausse expliquent qu’une petite fraction (quelque 4%) des quelque 200.000 milliards de dollars d’actions, obligations, or ou devises de la planète sera convertie en bitcoins. A terme, les plus "bullish" pronostiquent un bitcoin toujours plus haut : 40.000 dollars l'unité dès 2018 selon Mike Novogratz, l'ancien gérant star du fonds spéculatif Fortress qui a très tôt fait le pari de la monnaie virtuelle. Le danger est qu'aujourd'hui, même les épargnants qui n'y comprennent rien se ruent dessus... La définition même d'une bulle selon le patron du Crédit Suisse, Tidjane Thiam!
2Mystère
La naissance du bitcoin, qui agrège les mots anglais bit (unité d’information binaire) et coin (monnaie) est nimbée de mystère. D’inspiration libertaire, ce système de paiement électronique "de pair à pair" aurait été créé en 2008 par un certain Satoshi Nakamoto. Mais personne ne sait si c'est une personne réelle, ou un collectif de développeurs anonymes. Publiée en open-source en 2009, la plateforme logicielle donne rapidement naissance à un véritable marché mondial.
Echappant à toute institution monétaire ou gouvernementale, le système est universellement accessible et 100% décentralisé : il fonctionne sans autorité centrale, ni administrateur unique. Le bitcoin - dont la création est limitée à 21 millions d'unités - fait l’objet de transactions reposant sur la cryptographie.
La technologie qui sous-tend le bitcoin utilise des blocs de transaction codés et authentifiés, qui s’ajoutent les uns aux autres. Ils sont vérifiés par les nœuds d'un réseau informatique dédié, et irréversiblement consignés dans un registre public appelé blockchain. Cette "chaîne de blocs" est réputée infalsifiable car, afin de modifier une information, il faudra la changer en même temps chez tous les utilisateurs, ce qui est censé assurer la stabilité du système.
3Spéculation
Le bitcoin a beau avoir le vent en poupe, nul ne sait s’il s’agit d’une bulle géante… ou d’un actif pérenne. Voire de l'avenir de la monnaie ! Les gestionnaires de fonds commencent à être assaillis de coups de fil de leurs clients, leur demandant pourquoi leur portefeuille ne comprend pas cette classe d'actif, si rémunératrice. Mais si le bitcoin a fait la fortune de plus d'un pionnier, il ne cesse de jouer les montagnes russes et peut s'effondrer du jour au lendemain.
Rien à voir avec un placement de bon père de famille. Pour le gestionnaire de fortune Chris Burniske :
"Les épargnants qui se risquent sur les cryptomonnaies doivent être prêts à perdre la totalité de leur mise !"
Le spécialiste, qui s’apprête à publier un ouvrage sur le sujet, a établi une forte corrélation entre l’évolution du bitcoin et la fréquence des recherches du terme "bitcoin" sur internet, recensé par Google Trends. Il a notamment repéré trois épisodes récents de bulle/crash du bitcoin : en juin 2011, il enregistre une chute de 93% entre maximum et minimum ; en novembre 2013, de 71%, et en février 2014, de 85% !
4Sécession
Non content d’être hyper-volatil, le bitcoin est aussi fragmenté : une partie de la communauté a fait sécession, le 1er août 2017, pour créer une nouvelle variante appelée "bitcoin cash". Le différend avec leurs camarades, restés fidèles à la devise originelle, portait sur la vitesse des transactions.
Le procédé de création de bitcoin, appelé "minage", consiste en effet à résoudre des problèmes mathématiques complexes, via de puissants ordinateurs. A son apparition, il était assez facile de "miner" un bitcoin. Mais à mesure que les transactions se multiplient et qu’il reste moins d’unités à créer (le plafond étant fixé à 21 millions), cette activité est devenue de plus en plus complexe et coûteuse pour les "mineurs".
Après d’interminables discussions, un groupe de développeurs a créé une deuxième monnaie dérivée, présentant un correctif logiciel qui permet de gérer davantage de transactions par seconde. Cependant, ce tout nouveau "bitcoin cash" ne semble pas pour l’instant convaincre grand monde.
5Multiplication
Si le bitcoin est devenu populaire, il n'est que la tête de pont d'une nombreuse famille de crypto-monnaies. Il en existe… des centaines d’autres. Ensemble, toutes les crypto-monnaies pèsent plus de 300 milliards de dollars ! Selon la liste publiée par Wikipedia, les principales devises, dont le marché dépassait le milliard de dollars début août, sont l’ethereum, le ripple et le litecoin. Mais on peut aussi citer les plus obscurs maidsafecoin, dogecoin, monero, factum, bitshares, peercoin, namecoin, lisk, solarcoin…
6Mines
Comment exactement se fabrique cette monnaie virtuelle ? Ses créateurs sont appelés "mineurs", car ils consacrent une très grosse puissance de calcul informatique à traiter les énigmes logicielles qui, une fois résolues, donnent naissance à de nouveaux bitcoins. Au fur et à mesure que le nombre de bitcoins en circulation augmente, les nouvelles unités sont de plus en plus difficiles à créer.
Le minage requiert d'aligner des rangées et des rangées de racks de serveurs, qui pompent de gigantesque quantité d'électricité pour tourner et se refroidir. Si bien que cette activité de "minage", très artisanale à son démarrage, s'est très vite professionnalisée.
Surprise : la plus grosse industrie mondiale de "minage" se trouve... en Chine, qui pèse 60 à 70% de cette activité mondiale, loin devant l’Islande ou le Japon ! Il existe aussi de plus petits acteurs européens, comme l'autrichien Hydrominer, qui promet du "bitcoin vert" dans la mesure où il place ses containers de minage directement dans des stations hydro-électriques...
La Chine, elle, s'est mise à fabriquer du matériel informatique dédié (des serveurs tournant sur des puces plus économes en énergie), déployé dans des milliers de centres informatiques.
Mais le secteur intéresse aussi la Russie. Un collaborateur de Vladimir Poutine, Dmitry Marinichev, cherche à lever l’équivalent de 100 millions de dollars en crypto-devises, pour mettre le turbo sur le minage. Sa société, Russian Miner Coin, donnera à ses investisseurs 18% des revenus générés par son activité.
Le conseiller internet du Kremlin a, selon Bloomberg, expliqué en conférence de presse :
"La Russie a le potentiel de capter 30% du marché global du minage de crypto-monnaies dans le futur."
7Arnaques
Une hégémonie sino-russe vous inquiète ? Rien de nouveau sous le soleil du bitcoin qui est, depuis sa création, lié à une série de transactions illégales sur des sites du DarkWeb, comme SilkRoad (fermé en 2013). Les réseaux criminels de tous les pays ont utilisé cette devise parfaitement anonyme comme monnaie de choix pour les jeux d'argents, l’achat de substances illicites ou de bases de données piratées.
Par ailleurs, sa brève histoire est jalonnée de faillites retentissantes, comme celle de la bourse d’échange MtGox, en février 2014. Le procès de son fondateur, l’informaticien français Mark Karpekles, accusé de détournement de fonds (650.000 bitcoins se sont volatilisés), s’est ouvert en juillet à Tokyo.
8Refuge ?
Ces scandales, réputés marginaux, ne semblent cependant pas décourager l’afflux constant de capitaux sur le marché des crypto-monnaies. On y trouve, bien sûr, un nombre toujours croissant d’opérateurs spéculatifs, comme les "hedge funds", attirés par des retours sur investissement faramineux : 82.000% pour l’ethereum ! Le sport en vogue des risque-tout de la finance est l’ICO ou "Initial Coin Offering" : une levée de fonds de type crowdfunding en crypto-monnaie, c'est-à-dire entièrement libre de toute régulation... et de toute garantie.
Bizarrement, le bitcoin acquiert progressivement les caractéristiques d’un métal précieux. Comme l’or, il semble jouer le rôle de valeur refuge face aux périls croissants : risques géopolitiques liés à la tension Etats-Unis/Corée du Nord, risques économiques avec une hausse brutale des taux d’intérêt américains déclenchés par les dépenses incontrôlées de l’administration Trump.
9Banalisation
Du coup, le bitcoin sort de sa marginalité pour devenir presque "mainstream". D’importantes figures de la tech, comme le PDG de Nvidia Jen-Hsun Huang ou le fondateur de Twitter et Square, Jack Dorsey, lui promettent un bel avenir. Surtout, les gestionnaires de fonds et autres investisseurs institutionnels - éléphants de la finance mondiale - entrent à présent dans la danse.
Le gestionnaire d'actifs Tobam, basé à Paris, a annoncé la semaine dernière le lancement du premier fonds européen dédié à cette crypto-monnaie. Selon son communiqué, le "Tobam Bitcoin Fund", non réglementé, a pour vocation d'offrir "un véhicule d'investissement plus efficace et plus sûr" pour les investisseurs désirant augmenter leur exposition à la cryptomonnaie.
L'américain Fidelity a créé une fonctionnalité qui permet à ses clients de visualiser leurs avoirs en crypto-monnaie, depuis leur compte maison. Le titan de Wall Street, Goldman Sachs, a annoncé son intention de se lancer dans le trading de crypto-monnaies. Plus concrètement, le Chicago Mercantile Exchange devrait inaugurer un marché à terme sur le bitcoin avant la fin de l'année !
La nouvelle, qui apporte une caution institutionnelle de poids à l'actif bitcoin, a beaucoup contribué à doper son cours. Mais l'événement est à double tranchant : grâce à ce marché, les spéculateurs qui n'ont pas froid aux yeux pourront aussi jouer le bitcoin à la baisse...
10Régulation
Car à mesure que la bulle bitcoin enfle, la nervosité monte chez les régulateurs. Comment encadrer, fiscaliser et contrôler cette crypto-finance, qui menace de venir alimenter l’iceberg toujours aussi menaçant du "shadow banking" ? Avec les risques inhérents de perte de souveraineté monétaire et de krach mondial.
Selon MarketWatch,
"Une baisse de 40% du bitcoin est presque certaine, et il existe plus de 80% de chance que le bitcoin subisse un krach !"
Les banques centrales deviennent nerveuses. Certains pays, comme la Thaïlande, la Bolivie, l'Equateur, le Maroc ont purement et simplement interdit le bitcoin. La Chine essaie d'enrayer la spéculation sans pour autant interdire le "minage". D'autres se montrent plus ouverts. Partout, la réflexion est en cours. Mais selon la plupart des experts, la question n'est pas de savoir si les crypto-monnaies seront régulées... mais quand et comment.
11Blockchain
Si l’avenir de ces monnaies digitales est flou, la technologie qui les sous-tend – la "blockchain" ou "chaîne des blocs" – elle, semble promise à un avenir brillant. Son intérêt déborde en effet la seule industrie financière.
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